J’ai été témoin d’un fait qui m’a vraiment marqué. Cela s’est passé il y a près de 4 ans au Mali, avant ma venue en France. Le sort a peut-être voulu que ce jour-là, je sois témoin des faits. Parce qu’avant, si cette histoire m’avait été racontée par quelqu’un, je n’y aurais pas cru.
Il y a quelques années, en effet, j’étais un client occasionnel d’un grand restaurant dans la capitale Bamako. L’établissement recevait généralement des patrons. Tous les week-ends, c’était plein et il fallait souvent prendre son mal en patience avant d’être reçu. Des fois, il fallait même réserver. Cela s’expliquait simplement par le fait que le service était satisfaisant.
L’avantage pour moi est que je n’habitais pas loin du restaurant. Cela m’arrangeait. Des clients venaient de loin, rien que pour venir goûter aux délices du restaurant. Ils conduisaient de grosses cylindrées pour la plupart, ou bien, ils se faisaient déposer par leur chauffeur. Ils avaient les moyens, comme on dit. Et cela se voyait.
Avec le propriétaire du restaurant, je me suis lié d’amitié. Il y a longtemps que je fréquentais son restaurant et si j’avais un peu de sous, j’y allais souvent avec mon oncle qui est aussi ami avec lui. D’ailleurs je l’ai connu grâce à mon oncle. Donc, on se connaissait.
Quand je venais, c’était souvent lui qui me proposait de nouveaux menus qui étaient à l’ordre du jour, selon les demandes fréquentes. Car, étant jeune, j’aimais me démarquer des autres jeunes de ma génération. Connaissant son agenda, je programmais mes rendez-vous généralement en semaine, dans la soirée. A ces heures-là, il y avait moins de monde. Les week-ends étaient toujours chargés.
Un soir, il s’est passé quelque chose d’incroyable. Ce soir-là, en plus de moi, il y avait une dizaine d’autres clients dans le restaurant et deux clientes ont particulièrement attiré mon attention par leurs habillements (ornés d’or). Les filles (le personnel) s’occupaient de ces deux femmes, tandis que le patron s’occupait de moi. On causait, on riait. La télé du restaurant était allumée, mais le son avait été baissé de sorte que nous puissions nous entendre, sans avoir à crier.
On était en pleine causerie, quand, un moment donné, j’ai cru entendre une voix. Elle n’avait rien à voir avec les nôtres. Elle semblait plaintive. Mais rapidement je n’y ai plus prêté attention. Ça pouvait être une impression, d’autant que cette voix semblait provenir de nulle part. La causerie se poursuivait donc. Peu après, l’une des dames qui était avec nous est partie, après qu’elle ait fini de déguster son plat. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu la même voix. Elle avait été bien audible.
Cette fois, tout le monde l’avait entendue. Subitement, c’était le silence dans le restaurant. Imaginez un instant, vous entendez une voix, et personne ne sait d’où elle provient! Le plus intrigant, c’est que c’était clairement la voix fluette d’un enfant. Or, il n’y avait pas de gosse avec nous. Saisis d’inquiétude, nous sommes restés silencieux.
Et c’est là qu’on a entendu de nouveau: «J’ai soif!» Nos regards se sont croisés, puis on s’est tous tournés vers l’endroit d’où venaient ces mots. Mais il n’y avait personne. La place était vide. Seulement, on a découvert une clé de voiture posée sur un siège. Cette clé était liée à une amulette, à l’aide d’une ficelle. La vue de cet objet à la forme bizarre a tout de suite provoqué la panique dans le restaurant. Personne n’osait s’en approcher. Et alors on a entendu encore: «J’ai soif, je veux boire!»
La voix qu’on entendait provenait donc de là ! Affolées, on a quitté précipitamment le restaurant, avec le cœur qui battait à 100 kilomètres à l’heure. Ni le gérant du restaurant, ni nous-mêmes, les clients, n’avions jamais rien vu de tel.
Sans perdre une minute, le patron a appelé le prêtre de sa paroisse pour lui expliquer cette mystérieuse affaire. Quand il est arrivé, quelques minutes après, accompagné d’un autre collègue, il lui a montré l’objet. Puis, nous avons attendu dehors. Les prêtres sont entrés dans le restaurant, ils ont pris l’objet et nous ont rassurés. Ils nous ont dit de ne pas nous inquiéter. C’est l’un des prêtres qui a expliqué, plus tard à mon ami (le patron du restaurant), qu’il s’agissait d’un fétiche. La voix qu’on avait entendue provenait bien de là. Selon le religieux, la propriétaire de l’objet (dont nous ignorons l’identité, puisque personne n’est venu réclamer la clé) avait fait un sacrifice humain, pour s’attirer la fortune. Elle avait donné son propre enfant en sacrifice.
En conséquence, le fétiche avait pris l’âme de l’enfant. Pour maintenir sa richesse à flots, la dame devait souvent faire des sacrifices de sang d’animaux, chaque fois que le fétiche le lui demandait. D’où les paroles «j’ai soif» que nous avions entendu l’autre jour. Quand mon ami m’a expliqué cela, j’ai eu froid dans le dos. J’avais du mal à imaginer comment, après 9 mois de grossesse, une femme peut sacrifier son enfant pour de l’argent. Sachant qu’un jour où l’autre, elle devra en payer le prix.
On n’a jamais su si cette femme a fait exprès de laisser sa clé là, ou si elle l’avait vraiment oubliée. Toujours est-il que depuis lors, personne n’est venu demander cette clé. Cette histoire, j’y pense quelque fois, avec effroi. Le temps n’a jamais réussi à me la faire oublier.
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DIOMBERA Oumar