L’inattendu

Nous sommes en Turquie en juillet 2011 dans un club de vacances. J’y passe deux semaines avec des proches dans un cadre idyllique : hôtel à l’architecture moderne, bungalows, piscines, ponton débouchant sur la plage, fleurs multicolores, criques isolées…

Je me trouvais un soir, non loin de l’accueil principal, riant avec des amis. Comme tous les jours, de nouveaux vacanciers arrivaient à l’hôtel. Dans l’intention de repérer de nouvelles personnes à aborder, nous regardions le groupe attentivement. À cet instant, sans savoir pour quelle raison, mon attention se fixait sur un enfant d’environ trois ans endormi dans les bras de sa mère. Sa position ne laissait pas entrevoir son visage mais je distinguais tout de même ses cheveux bruns et son corps frêle.

Je me souviens avoir trouvé attendrissant la façon dont ses parents embrassaient son petit front avec amour et caressaient ses cheveux. Une fois leur clef récupérée, chaque famille avait été accompagnée dans sa chambre respective. Après ce moment d’observation nous avons continué notre conversation si délirante qu’elle en était vide de sens, sans doute à cause de l’heure tardive et de l’euphorie des vacances. Quelques minutes plus tard, un cri retentit au bas des escaliers, si strident qu’il réveilla certains vacanciers. Tout le monde avait d’abord cru à un cri de folie, mais à mesure qu’il se prolongeait, nous comprenions qu’il s’agissait en réalité d’un cri de profonde souffrance et nous ne nous étions malheureusement pas trompés. L’euphorie laissa place à la peur. Je couru au bas des escaliers pour comprendre ce qu’il se passait et vit cet enfant que j’avais regardé avec tant d’insistance allongé au sol, son corps inanimé plongé dans une marre de sang. Son père couru vers lui, le porta et l’amena vers le canapé ou nous étions précédemment assis. Mon souffle était coupé, l’atmosphère avait radicalement changée, le rêve virait au cauchemar. Pendant qu’un médecin présent à l’hôtel donnait tout ce qu’il pouvait pour le réanimer, de nombreuses questions traversaient mon esprit : Est-il en vie ? Comment cela est-il arrivé ? Pourquoi l’avais-je regardé avec autant d’insistance ?

Un élément mis court à ma réflexion, le médecin s’écria qu’il était sauvé, l’espoir nous gagnait, l’enfant eut un souffle ! Mais ce fut le dernier, il mourut quelques secondes plus tard. J’étais consciente que les gens pouvaient mourir mais le voir de si près fut une épreuve nettement plus difficile. Je me sentais concernée par la souffrance que j’avais ressenti dans les yeux des parents et la mort d’une personne dont je ne connaissais rien. J’appris plus tard que le petit était tombé du septième étage en voulant rejoindre ses parents qui étaient descendus au réfectoire. Le lendemain, la marre de sang et la peluche de l’enfant était toujours présentes sur le sol en tant que pièces à conviction, je devais alors les contourner pour rejoindre ma chambre. Voilà la douloureuse histoire dont j’ai été témoin et qui me hante encore.

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DAHER Léa

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