Le manque de considération pour les personnes sourdes dans la société française

Treizièm’Onde a eu le plaisir de s’entretenir avec Sophie de Sainte Maresville, la présidente et fondatrice de l’association S.A.S.H.A, la Structure d’Accompagnement de la Surdité et des Handicaps Associés. Nous avons pu aborder avec elle l’histoire de son association, ses revendications, ses actions, ainsi que son point de vue sur les évolutions de la société vis-à-vis notamment de la langue de signes.

Une retranscription totale de l’entretien est disponible en fin d’article.

Bonne écoute !

Pour plus d’informations sur l’association SASHA, rendez-vous sur leur site Internet : https://sasha-assoc.com/

Retranscription

Treizièm’Onde a eu le plaisir de dialoguer avec Sophie de Sainte Maresville, la présidente et fondatrice de l’association SASHA. Cette association, portant le nom de la présidente et fondatrice, est dédiée à accompagner les enfants et les familles d’enfants atteints de surdité. Nous avons pu discuter de la place des personnes atteintes de surdité dans la société et sur le développement de la langue des signes.

Ma fille étant sourde, effectivement la langue des signes a pour moi beaucoup de signification. Cette association est destinée et dédiée à l’enfance handicapée quelque soit le handicap, et à l’enfance non-handicapée pour faciliter l’inclusion et notamment contribuer aussi à changer le regard sur le handicap.

L’idée c’est de permettre aux enfants de se rencontrer dans des ateliers d’activités ludiques, de permettre aux aidants familiaux d’avoir des temps de répit, des temps de lâcher-prise dans des activités justement destinées au lâcher-prise, et du coup leur permettre également de faire ces ateliers avec des parents qui n’ont aucun lien avec le handicap. Ce qui permet là encore en fin d’atelier de discuter entre eux, d’échanger, de mieux se connaître et de voir les choses différemment tout simplement. On fait également des sessions de sensibilisation au handicap dans les écoles de quartier, sur les forums de ville, dans les forums de santé, dans des mairies, partout où l’on nous demande d’intervenir.

Vous nous avez parlé de l’école, est-ce que vous pensez que la langue des signes devrait être plus mise en avant, notamment à l’école en la faisant apprendre aux enfants qui ne sont pas sourds et malentendants ?

Oui absolument, pour une grande raison qui est la communication alternative. La langue des signes, je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion d’en pratiquer ne serait-ce qu’un cours de découverte, ça vous oblige à vous dépasser, c’est une mise en scène de votre visage, de votre corps, ça vous oblige à communiquer autrement avec les gens que simplement en vous appuyant sur des mots. Des mots qui peuvent parfois être mal compris par un enfant qui n’est pas forcément sourd mais qui peut être dys, qui peut être autiste, qui peut ne pas avoir de problème mais ne pas comprendre tout à fait le vocabulaire parce qu’il peut avoir du retard…

Donc la langue des signes oui c’est très riche d’enseignement et puis c’est vraiment… pour des enfants c’est magique ! Vous vous rendez compte que personne ne peut comprendre ce que vous racontez, c’est juste génial [de pouvoir se faire comprendre] !

Est-ce que vous assistez à une évolution du regard qui est porté sur cette langue ? Est-ce que vous trouvez qu’il y a encore des améliorations à faire, par exemple dans le lien social que ça peut créer ?

Il y a des améliorations à faire, notamment parce que la langue des signes correspond à une culture : la culture sourde, et qu’on ne peut pas la dissocier de cette culture. Si on veut réellement participer à l’inclusion de la communauté sourde, il faut effectivement partir de la langue des signes, donc il faut vraiment la promouvoir et faire de gros progrès à ce niveau là pour que les sourds se sentent inclus dans notre société, ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui. Parce qu’il faut savoir de la langue des signes ça ne fait pas si longtemps que ça qu’elle est autorisée… Autorisée hein ! Ça doit dater de 1900…. enfin le début du siècle dernier. Et effectivement ça permet tellement de choses, et aujourd’hui même les sourds n’ont pas la possibilité de l’utiliser à l’école simplement.

Moi, ma fille a dû faire des choix, on a dû faire avec elle des choix : soit elle quittait le monde oralisant, alors qu’elle porte des implants cochléaires, pour rejoindre la culture sourde et avoir le droit de faire ses études en langue des signes et d’être accompagnée en langue des signes, soit elle faisait le choix – si on peut appeler ça un choix – de rester dans le monde oralisant qui est notre monde à nous, et elle se voyait privée d’un enseignement et d’un accompagnement en LSF en plus de la partie oralisante. Je trouve ça très dommageable, parce que c’est nier en partie l’identité d’une personne.

Est-ce que le fait que dans les médias, je pense particulièrement à la télévision qui est un média visuel, on voit de plus en plus la langue des signes – notamment dans les allocutions présidentielles, ministérielles – où il y a certes, la personne qui parle, mais on voit que ça élargit le champs du public touché vu qu’on voit une personne également qui traduit en langue des signes…

Pour tout vous dire, même ma fille – qui n’a que 12 ans, donc qui se fout comme d’un guigne de la politique, non mais c’est vrai il faut appeler un chat un chat *rires* – quand elle passe devant la télé et qu’elle voit les informations et qu’effectivement il y a des allocutions et qu’il y a le petit cartouche avec la personne qui signe, elle s’arrête, elle s’installe, et elle regarde. Alors elle ne reste pas trois heures parce que le discours politique à mon avis n’intéresse que très moyennement nos enfants – déjà qu’il ne nous fascine pas nous, alors les enfants c’est pire que tout *rires* – mais à chaque fois elle est hypnotisée quelque part par le fait qu’effectivement à la télé, on passe de la langue des signes pour traduire des discours, pour traduire des informations qui sont importantes pour tout le monde.

Réalisation : AITDJOUDI Cilia, BARBOT Eva, FRAVAL Cécile

Crédit photo : Association S.A.S.H.A

Remerciements : Association S.A.S.H.A, Sophie de Sainte Maresville

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