Ce jeudi 5 avril, à 13h, au cœur du forum de Villetaneuse, nous recevions Shahinaz Abdel Salam, blogueuse et activiste égyptienne, pour une rencontre au cœur de l’actualité.
Révolution égyptienne, place d’Internet dans la mobilisation, l’avenir de l’Égypte et ses futurs combats : pendant une heure, Shahinaz Abdel Salam a fait partager son expérience de militante et de blogueuse avec les étudiants et membres du personnel du Paris 13 dans une rencontre-débat ouverte à tous.

Organisée par l’Antenne-Jeunes d’Amnesty International à Paris 13, cette rencontre s’inscrit dans la campagne « Jeunesse et réseaux sociaux dans les soulèvements d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient » d’Amnesty International. L’Antenne-Jeunes a pour mission de relayer les campagnes sur le campus de Villetaneuse, en organisant des actions de sensibilisation pour les droits de l’homme et en récoltant des signatures pour les nombreuses pétitions lancées par Amnesty International.

Amnesty International est une ONG indépendante présente dans 72 pays du monde et qui combat pour les droits de l’homme énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 à travers ses militants, chercheurs et signataires. Créée en 1961 par Peter Benenson, elle défend la liberté d’expression, d’opinion et de l’ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les mobilisations militantes, les pressions par pétitions, les actions de sensibilisation du public et les nombreuses recherches, enquêtes et rapports édités chaque années sont ses principaux moyens d’action pour faire cesser les atteintes graves aux droits humains partout dans le monde.

Shahinaz Abdel Salam, originaire d’Alexandrie, commence son activité de blogueuse en 2005, dans une Égypte où la jeunesse a peu de place pour s’exprimer. Internet est alors leur propre moyen d’expression, pour essayer de changer les choses. Shahinaz milite dans le même temps dans le mouvement Kefaya (« Ça suffit »), et son blog prend de plus en plus d’ampleur. Dans un État où « les policiers gouvernent », les manifestations sont strictement limitées et contrôlées. Elle témoigne de manifestations où « on était des dizaines, entourés par des centaines de policiers avec des armes ».

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Photo : Cécile Coudriou

Génération Internet

Sur son blog, elle poste régulièrement des photos et des vidéos des manifestations. « On était la première génération à utiliser Internet et le blog pour s’exprimer, parler sur ce régime », raconte-elle. Le mouvement des blogueurs s’intensifie en 2006 et de plus en plus de jeunes Égyptiens commencent à utiliser ce média pour manifester la liberté d’expression à laquelle ils n’ont pas droit dans leur pays. Les autres médias, notamment les télévisions étrangères, commencent à s’intéresser au mouvement. Aujourd’hui, les réseaux sociaux comme Facebook et Tweeter, plus pratiques, sont d’avantage utilisés pour mobiliser et informer.

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Au cœur de la révolution

Kefaya lance le premier appel à la mobilisation le 6 avril 2008, notamment via Facebook. « Ce jour-là, la police égyptienne était vraiment perdue », grâce à l’organisation décentralisée du mouvement d’internautes. Les jours fériés sont consacrés à la mobilisation. En 2011, La « révolution de jasmin » trouve une résonance certaine hors de la Tunisie. « La Tunisie nous a donné l’espoir, c’est pour ça qu’on a continué jusqu’au bout et qu’on s’est débarrassé de Moubarak ». Cependant, au cœur du mouvement, sur la place Tahrir, les militaires sont déjà présents. Elle explique avoir été méfiante, mais espérait qu’ils allaient soutenir la révolution. « On s’était trompé, il ne fallait pas croire aux militaires ».

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Un combat pour les femmes

Son combat de femme engagée, elle en a consacré un livre : « Égypte, les débuts de la liberté », qui raconte son engagement pour la défense des droits des femmes. Elle appelle les Égyptiennes à l’autonomie et à l’indépendance par rapport aux hommes et mène un combat tout particulier contre l’excision, un problème majeur en Égypte pour les femmes. Elle souhaite plus de place pour leur parole dans la politique. Interrogée sur la question de la charia dans les futures constitutions des pays voisins en pleine transition démocratique, elle replace le contexte de la charia. « Les principes de la charia, c’est l’égalité, la liberté, la fraternité », tordant le cou aux idées préconçues de l’Occident sur ce sujet. « Le problème, c’est l’interprétation qu’ils font ». Les lois égyptiennes ont été « des interprétations très extrémistes pour les femmes ». Au contraire de certains mouvements féministes qui veulent rejeter en bloc l’islam hors de la vie politique, elle pense que religion et société démocratique ne sont pas incompatibles.

Quel constat pour l’ Égypte ?

Pour Shahinaz, le mouvement n’a pas encore abouti. « La révolution continue, c’est pas fini, parce qu’aujourd’hui on a un régime militaire, l’état d’urgence, et aussi les islamistes ». Elle critique vivement les islamistes, qui ont abusé du pouvoir religieux pour obtenir des voix. Quand aux massacres de civils et de manifestants commis par les militaires, ils restent impunis : « beaucoup de jeunes ont perdu la vie sans raison ». Le mouvement lutte activement contre les militaires, qui ont mené une propagande active contre les blogueurs, accusés d’avoir été « formés par les États-Unis pour renverser le régime ». Elle répond que « c’est du n’importe quoi », et s’insurge au passage contre les récentes allégations de Tariq Ramadan sur le rôle des blogueurs dans les révolutions arabes. Dans son côté, elle n’est allée aux États-Unis qu’après l’élection d’Obama et ne se fait guère d’illusions sur les intérêts que portaient les États-Unis au régime de Moubarak.

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Camille Hervé

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